où un balais rend justice

ça commence ici
et ça continue là


Lendemain de la quatrième nouvelle lune
J'ai enfin pu mettre à profit le sort ultime de Mémé : le reprisage magique de chaussette ! Quand elle me l'a appris, j'étais dubitative (pardon Mémé, j'avoue) mais je n'ai jamais eu autant de temps libre de ma vie ! Il me suffit de lancer ce sort sur le tas de chaussettes trouées de Benoît (qui se ramassent à la pelle) pour avoir devant moi deux à trois heures de libres ! Ce qui me permet de travailler mon sort de boule de feu, pour la première fois elle a enfin rempli la paume de ma main !

Deuxième jour après la quatrième nouvelle lune
Je m'aperçois que je n'ai encore jamais parlé dans ce cahier de mon petit frère Benoît. Il entre dans une période fatidique, l'adolescence, période dans laquelle il n'est jamais agréable d'entrer quand on a le physique d'un moineau anorexique. Il mange, il fait énormement d'exercice, mais c'est comme si sa morphologie absorbait ses muscles et sa graisse.
Quoi qu'il en soit, une bande de jeunes de son âge, probablement désoeuvrés en cette belle après-midi, ont cru drôle de traverser le village et quelques champs pour venir le ridiculiser, et très probablement pour impressionner les filles. En temps normal le flegme naturel de Benoît associé à son brun profond lui confère une aura suffisamment surréaliste pour tenir à l'écart les éventuels cobayes pour une transformation en grenouille dans les règles.
Malheureusement, la bêtise juvénile est souvent amplifiée quand on se trouve avec trois amis et des filles à impressionner. Je suivais la scène de loin quand le chef de la bande, un grand baraqué pour son âge, commença à essayer de l'énerver.
" _Tiens mais c'est le squelette, quelle bonne surprise... "
(C'est ça, prenez-le pour un imbécile bande de petits cons, après tout, c'est pas comme si on habitait dans une ferme isolée du reste du village...)
C'est alors que son acolyte numéro un, un jeune blond prétentieux de la famille du maire du village, commença à le bousculer.
" _Réponds quand on te parle ! Hey les mecs, on est con, les squelettes ça ne parle pas ! "
Gloussement pathétique de la gente féminine tandis que la main de mon frère se crispait sur son balai. Ce genre d'insulte pathétique ne le touchait pas, ce qui l'énervait c'est que des gens ayant du temps libre le perdent à ça. Et puis les gloussements lui tapaient probablement sur les nerfs aussi, mais ça c'est de famille. Malgré tout cela il continuait de balayer, inlassablement, tranquillement, silencieusement, concentré sur sa tâche.
Ce que le troisième abruti, que nous appellerons acolyte numéro deux, n'avait pas l'air d'apprécier tellement.
" _Tu te trouves trop bien pour nous ? T'as pas d'autres amis que ton balai et tes cochons, tu commences même à sentir plus fort qu'eux ! Allez réponds ! "
Silence, coup de balai, gloussements.
" _T'as filé ta langue aux cochons peut-être ? Pauvres bêtes, je savais bien que vous les traitiez mal, y'a qu'à goûter leur viande pour le savoir ! "
Coup de balai, silence, coup de balai, gloussements.
" _Faut te frapper pour que tu dises quelque chose peut-être ? Regardez les filles, comment on fait couiner un cochon ! "
Là, c'en était trop, ils allaient finir par le lyncher juste pour l'entendre dire " aïe ", je suis intervenue, à tort ou à raison.
" Ca suffit ! Vous n'avez rien d'autre à faire ? C'est pitoyable, on dirait une bande de coqs en parade devant des pintades ! Foutez le camp ! "
Le chef qui s'était jusque là montré plutôt réservé prit ses grands airs, même si faisant deux têtes de moins que moi l'effet escompté n'était pas au rendez-vous.
" Et qu'est-ce que tu vas nous faire sale sorcière ? Pleurer dans les jupes de Mémé ? Nous lancer une allumette à la figure ? Tu sens aussi fort que ton frère, tu n'auras jamais d'autre compagnon que tes précieux cochons ! "
J'étais vexée, mais uniquement parce que la nouvelle de mon manque de talent dans la magie s'était répandue. Ceci dit on voyait que le chef ne connaissait pas bien mon frère. Tout d'abord il est beaucoup plus fort qu'il n'en a l'air.
Ensuite, tout ce qui lui tombe sous la main peut se transformer en une arme radicalement efficace (surtout les balais).
Enfin, la famille c'est sacré.
Je pense qu'il s'en souviendra lorsqu'il se réveillera avec une bosse digne d'un oeuf de poule, et je dois un balai cassé à mon frère. Le chef s'est fait ramener par ses deux acolytes terrorisés à la vue du balai capable d'assommer leur ami, et surtout par celle du balayeur. Pour ce qui est d'impressionner les filles, ça m'a l'air compromis pour aujourd'hui...
J'adore mon frère !



21/11/2007
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